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Interview
de Girish Muzumdar par Philippe Pratx
publié sur www.indesreunionnaises.com
1.
Pourriez-vous d'abord présenter succinctement l'équipe qui a
conçu et réalisé ce cédérom ?
Nous pouvons difficilement parler d'équipe tant le nombre de
personnes intervenues sur la réalisation du cédérom a été
important. Sans leur collaboration enthousiaste et engagée, ce
cédérom n'aurait pas vu le jour. Parmi les intervenants
principaux j'aimerais citer Bertrand Agostini qui m'a rejoint
pour prendre en charge le suivi du projet pendant la
réalisation. Jameela Siddiqui pour la recherche et la rédaction
du script. Sajid Peerbhoy a coordonné la production
audiovisuelle. Et des consultants, bien entendu : Gerry Farrell
et Neil Sorrell, tous deux professeurs de musique et praticiens
de la musique indienne ont donné leur avis d'expert sur les
contenus. Ashok Da. Ranade, un musicologue reconnu, a fait la
relecture. Murli Manohar Shukla et Batuk Dewanji m'ont conseillé
sur les choix musicaux et ont supervisé l'enregistrement et le
montage musical. Pour ma part, je me suis occupé de la
production et de la conception générale du cédérom et de son
interface avec Pratima Kapur.
2.
Quelle a été la genèse de ce cédérom ? Comment est venue
l'idée initiale, quelles ont été les étapes de la conception
et de la réalisation ?
Le cédérom Antara est la première réalisation d'un projet
personnel qui me tient à cœur depuis de nombreuses années -
mettre la culture indienne, sa richesse et sa diversité à la
portée du plus grand nombre.
Antara est né de mon expérience personnelle. Jeune étudiant en
Inde, j'aimais écouter la musique indienne et assister aux
concerts. Mais n'ayant pas de connaissances musicales j'avais
l'impression que je ne faisais qu'effleurer la surface. Et
malheureusement, les " initiés " m'expliquaient les concepts de
manière très théorique, impossibles à comprendre par un non
musicien, et je n'avais pas à ma disposition des moyens me
permettant de faire autrement.
D'où l'idée de ce cédérom qui a pour ambition d'apporter aux
utilisateurs les clés de base dans un langage simple et
accessible avec des démos, des jeux et des simulations pour
rendre les concepts plus tangibles.
La conception du projet fut longue. Je m'étais donné comme
obligation de concevoir un produit culturel et éducatif où
chaque élément mettait en valeur un aspect de la culture
indienne. Et que l'ensemble soit esthétique, simple
d'utilisation et ludique. Cette phase m'a permis de réunir
l'ensemble des principaux acteurs et de les impliquer dans le
projet. Nous avons écrit le story board et réalisé une maquette
pour valider la conception. La production a pu alors commencer.
L'ensemble des images et des pages écrans ont été créées en
Inde. La société Œil pour Œil située à Lille a pris en charge
l'intégration des médias et le développement informatique de
l'application finale. Une des étapes les plus importantes et
certainement une des plus riches fut l'enregistrement des
musiques et des vidéos. Tout fut enregistré en Inde en présence
de musiciens de talent. Ils ont tous participé avec beaucoup de
plaisir. La présence de grands musiciens tels que Shruti
Sadolikar Katkar ou Amjad Ali Khan pour ne citer qu'eux fut une
grande satisfaction.
3.
Quel est l'objectif de ce cédérom ?
Notre objectif est de susciter l'intérêt pour la culture
indienne chez les gens, de leur apporter des connaissances de
base de manière compréhensible, agréable et ludique en espérant
qu'ils aient envie d'aller plus loin dans leur découverte.
4.
Concrètement, comment se présente-t-il ? Quel est - dans ses
grandes lignes - son contenu ?
Le contenu très complet explore les différents aspects de la
musique classique indienne à travers 7 sections qui sont : les
origines, l'évolution, les concepts mélodiques et rythmiques,
les ragas, les musiciens, les instruments et les relations entre
l'Inde et l'Occident.
La majorité des contenus est présentée sous la forme de vidéos.
Nous avons voulu le rendre accessible au plus grand nombre et
permettre à chacun de pouvoir comprendre sans avoir aucune
connaissance musicale préalable. La musique pour l'apprécier
doit d'abord s'écouter. Nous avons donc privilégié l'audio et la
vidéo par rapport à la lecture de contenus. Les seuls textes à
lire sont les biographies des musiciens et le glossaire.
De nombreuses démonstrations viennent illustrer les contenus.
Par exemple dans la section des " origines ", nous montrons la
naissance de la musique à partir de la psalmodie des chants
sacrés védiques. Les notes utilisées par le prêtre sont reprises
ensuite par le musicien dans son interprétation d'un raga.
5.
Les éléments musicaux occupent bien sûr une place capitale ;
comment ont-ils été sélectionnés ? Sous quelle forme sont-ils
proposés ?
Oui, nous avons évidemment privilégié la musique. Vingt ragas
parmi les plus connus ont été choisis pour le cédérom. Les
gammes ascendantes et descendantes (aroha-avaroha), la signature
mélodique (chalan), l'introduction (alap) et la composition
(bandish) ont été enregistrées pour chacun de ces ragas en
version vocale et en version instrumentale. A part les exemples
de genres vocaux qui sont des extraits de cd audio, toutes les
autres musiques ont été exclusivement enregistrées pour le
cédérom.
Le tableau de ragas est peut-être l'élément le plus intéressant
et le plus utile du cédérom. Le concept de raga est trop
abstrait pour être compris par un néophyte à travers des textes
ou des paroles. Le tableau de ragas permet de comparer
différents ragas d'après des critères tels l'émotion qu'ils sont
censés véhiculer, l'heure de la journée la plus appropriée pour
les écouter, etc. L'utilisateur peut ainsi se faire sa
représentation personnelle du concept de raga.
Mais la musique indienne est surtout le plaisir de l'écouter. Le
contenu musical est l'équivalent de 3 cds audio. Il est
d'ailleurs possible de composer son propre programme musical
parmi l'ensemble de toutes les musiques du cédérom, et de les
écouter avec un lecteur audio accessible au lancement.
6.
Les musiques indiennes sont-elles évoquées dans leur diversité
(ancienne et moderne, populaire, savante et classique,
carnatique et hindoustanie...) ?
L'ensemble du cédérom est consacré à la musique classique
indienne hindoustanie bien qu'elle partage ses origines et un
bon nombre de concepts de base avec la musique carnatique. Les
autres formes sont évoquées mais ne sont pas illustrées
musicalement. Il fallait faire un choix et il n'était pas
possible de présenter l'ensemble des musiques de l'Inde tant
elles sont nombreuses !
7.
Le cédérom propose aussi toute une iconographie ainsi que des
vidéos ; quelles en sont les sources et quel est leur rôle ?
L'interface est composée d'une série de miniatures indiennes
créées pour le cédérom et réalisées dans le style traditionnel
par des artistes du Rajasthan. Nous avons voulu cette interface
conviviale et esthétique. Les images intégrées dans les
diaporamas et les ragamalas (illustrations d'un raga) ont été
conçues par des artistes indiens.
8.
Quel public devrait selon vous être concerné par cette
production ? Que devrait-il en retirer ?
Il est destiné autant aux personnes qui souhaitent s'initier à
la musique classique indienne qu'à celles qui la connaissent
déjà. Nous espérons qu'elles auront envie d'aller plus loin dans
leur connaissance de cette musique. Il permettra sans aucun
doute de mieux comprendre le concept des ragas, de taals,
d'identifier les instruments et les genres musicaux. C'est une
invitation à écouter de la musique indienne et à mieux
l'apprécier.
9.
Dans quelle mesure le cédérom est-il interactif ?
Antara exploite pleinement le potentiel des multimédias
interactifs. Le contenu, très complet, est constitué de 3 heures
de vidéos, de 3 heures de musique, ainsi que de démonstrations,
de jeux et de simulations.
Des jeux mélodiques rendent les notions de " shrutis " ou
microtons et de " saptaks " ou gammes plus compréhensibles.
D'autres jeux rythmiques permettent d'écouter et d'apprendre à
reconnaître les différents " taals " ou cycles rythmiques.
Deux simulations permettent de s'enregistrer en chantant le son
" Om " ou de participer à une leçon de musique traditionnelle où
l'élève répète après le maître.
10.
Personnellement, si vous aviez à expliquer ce que la musique
indienne a de spécifique, de passionnant, que diriez-vous ?
Ecouter de la musique classique indienne est une expérience
personnelle et très profonde. Elle crée un état d'âme, un climat
émotionnel particulier. Elle nous apaise, nous transporte et
nous incite à la réflexion.
C'est une musique qui prend le temps de s'installer, il faut
s'en imprégner. C'est pourquoi je conseille à ceux qui ne sont
pas habitués à ses sonorités de l'entendre d'abord en musique de
fond avant de commencer à l'écouter.
La musique classique indienne est aussi d'une très grande
liberté. On y trouve pas de compositions. Chaque performance est
une improvisation, un instant unique. Le musicien exprime ses
émotions à travers une improvisation contrôlée. Si l'auditeur,
se concentre, quel que soit son niveau de compréhension de cette
musique, alors il peut comprendre ce que ressent le musicien.
Cette musique libère l'esprit.
11.
Avez-vous d'autres projets touchant aux cultures indiennes ?
Oui, Antara est le début d'une collection de titres multimédia
culturels sur l'Inde. Nous envisageons de sortir un prochain
cédérom sur les danses indiennes.
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